Paper published in a journal (Scientific congresses and symposiums)
''Parler, ce n'est pas voir...'' : Deleuze et Blanchot entre événement et dialectique
Janvier, Antoine
2007In Espace Maurice Blanchot, p. 13
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Parler, ce n'est pas voir. Deleuze et Blanchot entre événement et dialectique.pdf
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Keywords :
Blanchot, Deleuze, Hegel; philosophie de l'événement; philosophie et littérature
Abstract :
[fr] Il est fréquent de qualifier les « pensées de l’événement » d’anti-dialectiques. Mais c’est, la plupart du temps, pour s’exempter d’une analyse serrée et rigoureuse de la notion d’événement, du corps à corps qu’elle engage avec l’hégélianisme et des enjeux qu’elle recèle. « Anti-dialectique » devient une formule magique qui brouille aussi bien le sens véritable de la dialectique que celui de son « adversaire ». Il s’ensuit une approbation naïve ou une réprobation haineuse de l’usage original du langage que ces « pensées de l’événement » pratiquent. C’est cette pratique que le présent article interroge, à partir d’une rencontre entre Deleuze et Blanchot. Cette rencontre s’articule autour d’un texte de Blanchot auquel renvoie Deleuze dans son Foucault : « Parler, ce n’est pas voir… » (L’Entretien Infini). L’objet majeur de cet article est d’exhiber et d’explorer le point de lutte entre les thèses de « Parler, ce n’est pas voir,… » et la pensée dialectique, constitutif d’une pensée de l’événement. <br /> <br />Selon Deleuze, Blanchot y a proposé une approche spécifique de l’événement. Celle-ci consiste, d’une part, à frapper d’inanité toute pensée soumise au régime de la vision, propre à la tradition occidentale. La dialectique hégélienne en serait le point d’acmé. Elle porterait ainsi la vision à l’absolu, en la déliant des bornes constitutives de sa finitude. Il faudra montrer comment la dialectique actualise une puissance que contient déjà toute vision finie, en thématisant la pensée et le langage qui la soutiennent. D’autre part, la détermination de l’événement opérée par Blanchot dans « Parler ce n’est pas voir » consiste à libérer la parole de cette exigence optique pour la porter à sa puissance propre, hors de toute dialectique. La difficulté est alors de comprendre le sens d’une parole qui ne voit pas, sans tomber dans un mysticisme naïf. Ce problème met en jeu le sens même que l’on accorde à la finitude. <br /> <br />La finitude propre au régime visuel se révèle n’être que partielle, dans la mesure où elle comporte son propre dépassement vers l’absolu. C’est ce que la dialectique effectue par la prise en compte du lieu et du mode d’énonciation de la finitude elle-même, insoupçonné par celle-ci. Se disant finie, la pensée de la finitude se voit limitée, mais par là voit également l’au-delà de sa limite : elle s’est détachée d’elle-même pour se saisir sous son propre regard. C’est ce qui permet à la dialectique d’englober, dans un discours qui ne cesse de se ressaisir lui-même, ce qui se situe dans la limite ou à l’intérieur du champ de vision, et ce qui se situe au-delà, en dehors de ce champ, parce que cet au-delà est lui-même vu par le discours de la finitude. Un tel mouvement de ressaisie et de totalisation, loin d’être un simple constat d’achèvement du temps ou de l’histoire, est en réalité constitutif de la dialectique entendue comme savoir absolu : savoir hors de toute finitude, in-fini en ce sens qu’il n’a pas de fin. Au contraire, une finitude radicale exige d’être distincte et de la finitude modérée de la vision, et de l’in-fini dialectique qui la porte à l’absolu. Par cette distinction à l’égard de toute récupération dans le régime visuel d’une « totalité en mouvement, finie et illimitée » (EI, 7), Blanchot dégage le sens et le lieu de l’événement : la parole. Car la parole, prise dans son acception la plus tranchante, détachée de tout régime visuel, est un pur mouvement, un pur acte, c’est-à-dire un faire, une praxis. C’est par et dans cette praxis que l’événement est produit. L’événement n’arrive pas, ce n’est pas un objet qui existe et qui advient dans le monde à l’aide d’une bonne parole. L’événement est l’effet de ce faire propre à la parole hors de toute vision. En retour, cette parole n’est pas une activité auto-suffisante, maîtrise intérieure de son propre mouvement : elle est saisie ou affectée radicalement par l’événement, en ce sens qu’elle ne peut se détacher de cet affect pour en faire le tour, considérer sous son regard ce qui lui arrive, en dégager la raison d’être et en ressaisir l’origine. La parole est traversée de part en part par cet affect dont elle ne peut se défaire et provoquée ainsi à entrer en acte. Dans le mouvement même de son processus, la parole affirme sa finitude : sa finitude est ce qui lui arrive et ce dont elle dépend entièrement. C’est en ce sens qu’elle ne voit pas : elle ne voit pas ce qui s’empare d’elle – elle ne le ressaisit pas par devers elle, mais affirme son propre mouvement, sa propre praxis. C’est pourquoi aucun livre de Blanchot n’est théorique : il s’agit au contraire du prolongement d’une pratique de lecture, c’est-à-dire d’un prolongement lui-même pratique, par le mouvement de l’écriture, des affects et des événements qui se sont emparés de ce mouvement lors de la lecture d’Artaud, de Char, de Bataille,… et qui le poussent à se propager. On comprend le champ sémantique déployé par Blanchot dans L’Entretien Infini pour « qualifier » cette parole hors de toute theoria, ou plus exactement pour la faire elle-même par cette qualification : tour, détour, retour, détournement, retournement, tourment,… <br /> <br />On en arrive alors à l’exact opposé des poncifs qui circulent sur le langage propre aux « pensées de l’événement », et plus particulièrement sur celui de Maurice Blanchot. Loin d’être un usage mystificateur et incantatoire de notions abstraites (Dehors, Etranger, Neutre, non-rapport, Tout-Autre,…), il apparaît que le langage de Maurice Blanchot est une pure pratique qui saisit son lecteur au moment où il s’y attend le moins, c’est-à-dire quand il ne le voit pas venir. Et l’effet provoqué, à tenir résolument l’entre-deux propre à une finitude radicale, n’est pas de répéter inlassablement les jeux d’oppositions qui structurent notre pensée pour en manifester l’éternelle indécidabilité, mais plutôt de faire le mouvement de lire ou d’écrire, de le finir par conséquent. Ces quelques lignes en sont le témoignage et le prolongement. <br /> <br />Le but de cet article est donc de mener le lecteur aux conséquences résolument pratiques d’une pensée rigoureuse de l’événement. Loin de tout intuitionnisme mystique et a-politique, on en arrive ainsi à l’exigence d’un risque politique propre à la pratique langagière de la pensée, pour laquelle faire événement n’est rien d’autre que d’être comptable de sa finitude, c’est-à-dire de son temps.
Disciplines :
Philosophy & ethics
Author, co-author :
Janvier, Antoine ;  Université de Liège - ULiège > Département de philosophie > Philosophie morale et politique
Language :
French
Title :
''Parler, ce n'est pas voir...'' : Deleuze et Blanchot entre événement et dialectique
Publication date :
2007
Event name :
Journées Blanchot
Event date :
2007
Journal title :
Espace Maurice Blanchot
eISSN :
1765-291X
Pages :
13 p.
Peer reviewed :
Peer reviewed
Available on ORBi :
since 07 October 2010

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