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Abstract :
[fr] « Que faire d’un étranger qui n’a pas d’histoire et qui n’a pas de
nom, qui déboule un soir à Vottem et que l’on retrouve mort, au
matin ? Que faire de celui-là que rien ne relie à rien, qui est sans
appartenance, qu’aucune frontière n’est en mesure de circonscrire,
sans provenance et sans destination, l’étrangeté au carré d’un corps
sans nom qui pend au bout d’une corde, sans autre place dans le
paysage que d’être là ? Est-il même chrétien ? Nul ne sait. De toute
manière le suicide est une forme de bannissement. On enterrera le
pendu à la hâte dans la partie non bénie du cimetière, après l’avoir
détaché de son arbre, vers onze heures du matin, sous la conduite
du bourgmestre et du secrétaire communal, après l’avoir transporté
dans une grange, près de l’église, après avoir fouillé ses poches où
l’on n’a trouvé qu’un peu de tabac et un morceau de papier insignifiant
et après, enfin, qu’un brigadier, l’après-midi, est venu constater
le fait ».
Que faire d’un document ethnohistorique exceptionnel, la Chronique
que Gaspard Marnette, modeste ouvrier armurier du XIXe siècle,
a tenue au jour le jour pendant plus de quarante années ? Comment
faire droit à cette écriture singulière qui obsède et habite entièrement
la vie de Gaspard ? Comment échapper aux pièges de la réduction
testimoniale qui entravent si souvent l’interprétation historienne ?
Comment se déprendre des positions d’autorité qui régissent la parole
à propos de la parole des humbles ? Comment écrire et penser
avec Gaspard ? Comment écrire un livre d’histoire.