Paper published in a journal (Scientific congresses and symposiums)
Empathie et culpabilité : les émotions au coeur du lien social
Devillers, Bérengère
2017In Actes des 17èmes journées de valorisation de la recherche « La place des émotions dans le travail socio-éducatif »
 

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Keywords :
Good Lives Model; Readiness traitment; Rehabilitation
Abstract :
[fr] Bonjour à tous, et merci aux organisateurs de m’avoir invitée. C’est un plaisir pour moi d’être là aujourd’hui parmi vous. Je vais tout d’abord revenir sur la traduction du « Good Lives Model ». Plusieurs traductions sont communément admises, les plus connues étant celles de « modèle de bonne vie » ou « modèle de vie satisfaisante » ou encore « modèle de vies saines ». Il faut savoir que le groupe Antigone, dans lequel je travaille, n’adhère pas vraiment à ces définitions. En effet, nous trouvons que les traductions françaises proposées enferment le sujet dans une vision prescriptive de ce que devraient être les besoins, qu’elles laissent entendre qu’il y aurait des besoins universels auxquels tous les individus devraient répondre. Or nous ne nous y retrouvons pas et cela ne correspond pas à l’intention de Ward qui veut faire référence à une manière de vivre qui est bénéfique pour le sujet lui-même. Je vous propose donc de garder l’appellation anglophone, « Good Lives Model ». Je vais revenir à l’émergence de ce modèle : il s’agit d’un modèle de réhabilitation qui a vu le jour au début des années 2000 sous l’impulsion de Tony Ward, tout d’abord pour le public des auteurs d’infractions à caractère sexuel. Cependant, il s’est rapidement étendu à d’autres populations, notamment les auteurs de violences domestiques, le public psychiatrique, et ce pour le public aussi bien adolescent qu’adulte. D’autres adaptations ont depuis vu le jour, notamment à l’initiative d’un service français, l’ARCA, qui est spécialisé en recherche et en intervention en délinquance sexuelle, et où le directeur, Erwan Dieu, a adapté le Good Lives Model au public radicalisé. Plusieurs expériences ont également été menées en Belgique, notamment une à l’hôpital des Marronniers, à Tournai, dans une unité de défense sociale qui accueille des délinquants sexuels. L’équipe a décidé, suite à une formation, de reprendre les outils du Good Lives Model et de les adapter avec les patients, afin qu’ils correspondent à leur langage, à leur niveau de compréhension et donc à leurs besoins. Le GLM se veut avant tout humaniste, positiviste et tout à fait écologiste, parce qu’il tient compte des différents systèmes qui gravitent autour de la personne. Il a pour première cible de traitement le développement des besoins humains fondamentaux. Sa deuxième cible est la réduction du risque de récidive, mais qui se veut être un effet de la poursuite du bien-être et des besoins des personnes. Le Good Lives Model comprend des principes théoriques et des implications cliniques. Selon un principe prioritaire au niveau théorique, nous considérons que le délinquant est animé par les mêmes besoins humains que tout un chacun, mais que les voies qu’il emprunte ne sont pas pro-sociales. Nous mettrons donc la notion de besoin au centre de la prise en charge, bien plus que le passage à l’acte délinquant. Le principe clinique qui me paraît être le plus en lien avec le thème qui nous occupe aujourd’hui est peut-être la notion de responsabilité à substituer à celle de culpabilité. Je ne connais pas précisément votre cadre légal protectionnel de la jeunesse. En Belgique, dans les mesures qui sont privilégiées par le magistrat de la jeunesse dès lors qu’un jeune a commis un fait qualifié d’infraction, nous retrouvons les mesures réparatrices, mais dans une visée de responsabilisation du jeune, de prise en compte des conséquences dommageables pour les victimes. Tel est le mandat qui est confié aux équipes chargées du suivi du jeune. Dans le cadre de la philosophie du modèle GLM, nous verrons s’opérer un glissement de la notion de responsabilité, qui reposait avant tout sur les épaules du jeune, vers celles de l’intervenant psychosocial et de son environnement proche : les familiers, mais aussi tous les intervenants gravitant autour du jeune. Par quoi cela passe-t-il concrètement ? Tout d’abord le GLM est attentif à la définition du problème. Bien souvent, le problème est libellé soit dans les rapports qui ont été rédigés par au sujet du jeune, soit dans l’ordonnance qui précise notamment la qualification des faits. Nous laisserons cela de côté, et nous repartirons avec le jeune de la définition du problème tel qu’elle se pose pour lui, dans l’ici et maintenant. Nous ne repartirons donc pas du passé, mais nous nous centrerons sur les conséquences pour lui et pour son environnement dans le présent, ce qui suppose que nous devrons nous accorder sur les buts et objectifs de la prise en charge. Le jeune et les intervenants seront donc associés aux différentes phases du plan de traitement, où les intervenants psychosociaux auront également une responsabilité. Par conséquent, ils s’engageront à réaliser des démarches avec le jeune. Par quoi passe encore cette responsabilité ? L’intervenant psychosocial devra créer les conditions propices à un engagement et à un maintien du jeune dans la prise en charge. La notion de disposition au traitement (Treatment Readiness, Ward et al., 2004) nous éclaire ici sur cette question de l’engagement tant de l’usager que de l’intervenant dans le processus de changement. En effet, la disposition au traitement est définie comme étant « la présence de caractéristiques (états et dispositions) dans le chef du délinquant mais aussi de la situation thérapeutique qui sont susceptibles de promouvoir l’engagement dans la thérapie et donc l’amélioration des aptitudes au changement thérapeutique » (Ward et al., 2004). Il existe également un langage assez particulier qui devra être adapté aux besoins et au niveau de développement du jeune. Tony Ward avait initialement énoncé onze besoins fondamentaux, et le GMAP, qui est le service en Nouvelle-Zélande ayant adapté le GLM pour les adolescents, a réduit le nombre de besoins à huit. Les besoins couvriront surtout la santé (émotionnelle, en général et sexuelle) ainsi que les besoins de réalisation, d’amusement, de trouver un sens à sa vie et de développer des relations. Nous travaillerons donc beaucoup tout ce qui est du registre des émotions, soit tout d’abord pouvoir identifier ses émotions avant de pouvoir les gérer. Dans les questions en lien avec le modèle de réhabilitation, il est vrai que nous travaillons le lien social. Or, dans l’optique GLM, nous ferons d’abord passer le lien social par un lien à restaurer du jeune vis-à-vis de lui-même. Dans l’optique GLM, nous considérerons que travailler le lien social et la réparation d’un dommage vis-à-vis de la société sans se soucier d’abord d’une réparation à l’encontre du jeune est anticipé, par rapport au fait de vouloir d’emblée se lancer dans une logique de réparation. Par conséquent, un accent est mis sur une alliance thérapeutique, et le jeune se sentira beaucoup plus concerné puisque nous partirons de sa définition à lui du problème, telle qu’elle se pose pour lui avant tout. Il pourra alors retrouver un sens, et quelque part, sortir un peu de cette stigmatisation, de cet étiquetage qui lui pèse et qui est souvent lié à tout son parcours, ou qui transparaît au travers des différents rapports, des diverses rencontres avec le magistrat ou les intervenants. Cette optique de travail pourra permettre également au jeune de sortir de ses mécanismes de défense, de faciliter une distanciation par rapport aux mécanismes habituels de minimisation, de déni, d’opposition, et nous verrons que les équipes ou les intervenants qui s’imprègnent de principes liés au GLM pourront s’inscrire davantage dans des rapports relationnels s’éloignant de rapports d’opposition, de recadrage (tels que souvent vécus par les équipes). Pour revenir sur l’expérience menée aux Marronniers, il a été constaté, dans les effets au premier plan, une amélioration de la qualité relationnelle avec les patients. Ceux-ci étaient tout à fait étonnés que l’équipe se détache du travail centré exclusivement sur les passages à l’acte, la récidive, les perspectives de réhabilitation, pour s’intéresser à leurs besoins. Le deuxième effet observé concerne le bien-être des travailleurs, qui s’est traduit par une réduction significative du taux d’absentéisme. L’équipe psycho-sociale ressentant en effet davantage de plaisir à travailler les forces plutôt que les déficits de leurs patients. Avec le jeune, nous travaillons aussi la question de la responsabilité active : toujours dans la notion d’ici et maintenant, que pourra engager le jeune, par exemple si un membre de la famille est toujours très préoccupé, s’il s’agit d’un abus intrafamilial, par la réalité du risque au quotidien ? Que peut dire le jeune de son rapport à la sexualité, mais vraiment dans l’ici et maintenant et dans des perspectives futures, dans ce qu’il peut mettre en place pour rassurer sa famille ? Nous travaillons donc le projet du jeune centré sur ses besoins et son avenir, et beaucoup moins le passé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour le travail sur l’empathie, sur les habilités relationnelles, personnelles et sociales, mais nous nous recentrons d’abord sur le jeune, sur les situations d’adversité qu’il a pu rencontrer durant sa trajectoire de vie afin de favoriser une expression libre de ses émotions. Comme nous l’avons vu avec notre collègue Nadine Lanctôt, bien souvent, nous pointons du doigt tous les éléments de victimisation, maltraitance sexuelle, négligence, mais nous oublions tout l’effet des violences plus émotionnelles, plus insidieuses, qui ont également des effets tout à fait délétères sur le développement du jeune. Ainsi, nous trouvons important de travailler toute cette reconnexion du jeune à ses différents états émotionnels, afin qu’il puisse distinguer le registre des idées, des émotions, des sensations physiologiques, pour ensuite pouvoir refaire ce travail vis-à-vis du passage à l’acte. Le GLM offre un cadre conceptuel et opérationnel utile aux professionnels pour intégrer une gamme d’évaluations et d’informations, de supports théoriques et d’outils d’intervention, dans la perspective d’une compréhension riche, cohérente et complémentaire des (et avec leurs) usagers.
Disciplines :
Education & instruction
Author, co-author :
Devillers, Bérengère ;  Université de Liège > Département de Psychologie > Psycho-traumatisme
Language :
French
Title :
Empathie et culpabilité : les émotions au coeur du lien social
Publication date :
June 2017
Event name :
17èmes journées de valorisation de la recherche « La place des émotions dans le travail socio-éducatif »
Event organizer :
ENPJJ (Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse) Roubaix
Event place :
Roubaix, France
Event date :
9 et 10 novembre 2016
By request :
Yes
Audience :
International
Journal title :
Actes des 17èmes journées de valorisation de la recherche « La place des émotions dans le travail socio-éducatif »
Commentary :
Il s'agit de la retranscription de l'exposé de la table ronde, figurant dans les actes du colloque en ligne.
Available on ORBi :
since 03 July 2017

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