Collective work published as editor or director (Books)Crise de la démocratie et nouveau management public : Discours, pratiques, instruments
Fallon, Catherine; Ficet, Joël
2017 • Academia, Louvain la Neuve, Belgium
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Abstract :
[fr] Les discours de légitimation du corps de doctrines et de dispositifs généralement associés sous le terme de « nouveau management public » (NMP) s’appuient non seulement sur un idéal de performance mais aussi sur une aspiration à remédier à une « crise de la démocratie » qui se manifesterait par l’insatisfaction des populations des pays occidentaux vis-à-vis de leurs gouvernants, et ce de deux façons : en aidant les Etats à mieux répondre aux attentes de leurs populations d’une part, en créant au bénéfice des citoyens de nouvelles voies d’accès à la décision et de nouveaux droits d’autre part (DeLeon, 2005 ; Behn, 1998).
Le livre rassemble des études interrogeant à partir de perspectives théoriques diverses (analyse des politiques publiques, sociologie des organisations, sciences de gestion, théorie politique…) la capacité des instruments du NPM à apporter une plus-value démocratique à la gestion publique et, inversement, analysant ce que le NPM nous révèle sur les transformations de la notion de démocratie dans un espace politique de plus en plus complexe et technocratique (Rose, 1991 ; Salais,2010; Ogien, 2013).
Le NMP ne s’est pas construit en lui-même autour d’un impératif démocratique : dans sa version la plus pure, il consiste essentiellement, soit à confier au marché la réalisation d’un certain nombre de tâches relevant classiquement de l’administration (solution « anglo-saxonne »), soit à séparer la sphère politique de l’administration en responsabilisant les fonctionnaires en fonction d’objectifs de performance (solution « continentale »). Toutefois, certains de ses outils ont été conçus (à titre principal ou secondaire) comme moyens de promotion d’une logique démocratique, à même de contrer certains effets perçus comme pervers de la gestion publique : des instruments visant à faciliter le contrôle des administrations par les instances parlementaires ou juridictionnelles (Cour des comptes…) ; des instruments visant à accroître l’implication citoyenne dans la décision publique ; des instruments visant à améliorer la relation directe entre administration et citoyens (ombudsmen, sondages, cercles de qualité, chartes…) ; des instruments visant à accroître la transparence des processus administratifs et de leurs résultats (évaluation des politiques publiques, normes comptables) ; etc.
Le pluralisme de ces dispositifs reflète à la fois l’hétérogénéité du NMP et l’ambiguïté du thème de la démocratie dès lors qu’appliqué à la responsabilité des acteurs politiques, ouvrant ainsi une opportunité d’analyse critique. Ainsi, les tenants des démarches d’évaluation défendent le rôle qu’elles peuvent jouer pour un approfondissement démocratique, par une meilleure lisibilité de l'action publique, une circulation des savoirs, un renforcement de la logique de responsabilité de l'administration et de son devoir de rendre des comptes. Certains auteurs, à l’inverse, dénoncent cette « idéologie de la gestion » (de Gaulejac, 2005) comme une colonisation du raisonnement politique par les catégories de l’économie et du management (Ogien, 2013), les chiffres structurant le processus décisionnel au lieu d’en être les simples auxiliaires, mathématisation du social (Salais, 2010) qui contribue à neutraliser les questions politiques et la délibération publique (Rose, 1991).
Ces contributions permettent d’alimenter les réflexions sur la crise des formes contemporaines du politique à partir des analyses concrètes de l’action publique et des instruments mobilisés pour sa mise en œuvre. Cette posture permet d’interroger les processus de construction de ces instruments et les conditions concrètes de leur émergence, en dépassant la rationalité apparente des outils et l’image de « métrologues démiurges capables de maîtriser toutes les conséquences de l’introduction des instruments qu’ils ont retenus » (Mouhanna, 2011).