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Abstract :
[fr] Dès ses premières tentatives d’expansion sur le marché domestique, le jeu vidéo est marqué du sceau d’une double obsolescence : obsolescence technique, qui régulera de plus en plus la durée de vie des dispositifs de jeu, mais également esthétique, poussant le consommateur à remplacer des machines que la succession rythmée des « générations » rend rapidement désuètes. Cette obsolescence double est renforcée par l’omniprésence dans les discours de la course à la technologie : la presse spécialisée entretient la promesse de « lendemains qui chantent » (Triclot, 2016), glorifiant l’avenir du jeu vidéo. Ce motif récurrent se diffuse également dans les médias généralistes — qui, pendant plusieurs décennies, puisent dans la dimension économique du médium un des seuls discours bienveillants le concernant (Delbouille, 2018) — ainsi qu’auprès du grand public. A contrario, plusieurs pratiques culturelles développées par les joueurs viennent répondre à cette fuite en avant : d u retrogaming au retromaking, de l’émulation aux politiques de patrimonialisation du médium (Barbier, 2014), ces pratiques constituent autant de tactiques (De Certeau, 1990) de résistance face à cette stratégie industrielle. Elles permettent alors d’aborder différemment, par exemple, l'histoire du jeu vidéo — qui n'est encore généralement envisagée que par le biais de sa dimension technique. Par la rupture qu’elles semblent marquer avec les productions dominantes, ces pratiques se situent « en décrochage » par rapport à la temporalité de l’industrie. L’objet de cette communication, en faisant dialoguer ces deux dynamiques, est de constituer l'obsolescence en tant qu’outil d’analyse des enjeux culturels du jeu vidéo. En résistant à l'obsolescence, en refusant l'expiration d'anciennes « delivery technologies » (Jenkins, 2013), les amateurs (Hurel, 2017) affirment l'existence d'un média jeu vidéo à part entière. Quant aux acteurs industriels, en réintégrant ces pratiques de décrochage au sein de leur course technologique, ils semblent arpenter une ligne de crête — cherchant à bénéficier d'un statut culturel qui leur serait bénéfique, sans pour autant abandonner le cœur de leur moteur économique.