Les écrits anti-simoniaques interpolés à l'abbaye de Saint-Trond au XIIe siècle

Dénoncées dans l’Église dès le IVe siècle, les pratiques simoniaques suscitèrent de plus en plus l’indignation, jusqu’à apparaître comme l’un des combats majeurs de la réforme grégorienne. Si la lutte a été majoritairement menée contre l’investiture laïque et a mené à la déposition d’un certain nombre de dignitaires du clergé séculier, elle n’est pas pour autant restée étrangère au milieu monastique ; dans le cloître aussi, le débat faisait rage. Si le fait est indéniable, saisir l’état d’esprit des individus d’une communauté à l’égard de la simonie est malaisé. En effet, dans la majorité des abbayes, seuls quelques membres sont sortis de l’anonymat et ont marqué de leur empreinte la production intellectuelle. Toutefois, il reste probable que, si les moines sont majoritairement restés cloîtrés dans le silence, ils ne se sont pas pour autant abstenus de méditer et de consigner par écrit leurs pensées ou les nouvelles idées dont ils auraient pris connaissance. Nous en tenons pour preuve quelques pièces inédites ou très largement méconnues recopiées sur les feuillets restés vierges ou sur les pages de garde des manuscrits d’un même scriptorium et qui attestent la vivacité de la lutte anti-simoniaque. Ces textes polémiques anonymes d’origine monastique sont d’autant plus révélateurs du fait que plusieurs d’entre eux s’avèrent être des copies interpolées de traités ou de poèmes bien connus par ailleurs, dont le propos ainsi modifié semble trahir la pensée d’une partie représentative des membres de la communauté. Le scriptorium de l’abbaye de Saint-Trond (diocèse de Liège, Belgique) nous en a transmis quelques-uns. Examinant deux d’entre eux, redécouverts dans des manuscrits de la bibliothèque de l’Université de Liège et spécifiquement dirigés contre les moines qui se rendent coupables de pratiques simoniaques, nous tenterons de cerner les remises en question et combats de scribes trudonnaires anonymes en ces temps agités.