L’accompagnement des demandeurs d’emploi par les intermédiaires du marché du travail : une triple opération de sélection

En 1997, la Convention 181 de l’Organisation internationale du travail sonne le
glas du monopole public en matière de placement. Elle invite les services publics de
l’emploi et les opérateurs privés à collaborer pour fournir un accompagnement plus
efficace aux demandeurs d’emploi. Cette collaboration s’inscrit dans le cadre d’une
entente contractuelle où les services de l’emploi confient l’exploitation et la gestion de
certaines de leurs activités à des prestataires privés au sein de partenariats publicsprivés.
Qu’il s’agisse des services publics de l’emploi ou des prestataires privés, tous
deux ont pour mission d’assurer l’insertion socioprofessionnelle des demandeurs
d’emploi en tant que généralistes, ou spécialistes de l’employabilité. Elle s’inscrit dans
la stratégie d’EU2020 et contribue à l’atteinte d’un taux d’emploi de 73,2% pour 2020.
À l’aide de trois études de cas réalisées auprès du service public wallon et de deux
prestataires privés exerçant en Région wallonne, nous démontrerons que cette mission
d’accompagnement s’exerce au prix d’une triple sélection : une première réalisée par le
politique, via la définition de publics cibles prioritaires ; une seconde opérée par les
agents du service public dans leurs pratiques professionnelles d’accompagnement ; une
troisième effectuée par les prestataires privés en fonction de critères objectifs et/ou
subjectifs. Pour étudier la mise en oeuvre et l’effet de ces opérations de tri, nous nous
inscrirons dans une approche pragmatique. Appuyé sur une étude empirique constituée
d’entretiens semi-directifs (N = 45), d’observations d’interactions (N = 149) et de
discussions informelles, nous montrerons les conséquences globales de ces tris pour les
demandeurs d’emploi. En ne sélectionnant que les plus employables des inemployables,
l’opération d’accompagnement ne serait-elle finalement qu’une agitation, et non pas une
véritable mise à l’emploi ?