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Abstract :
[fr] Pourquoi le geste est important ici ? S’il l’on s’en tient à une définition minimale de la performance, on peut commencer par dire que les performeurs proposent des gestes (au sens large) ou des actions qui peuvent être valorisées au rang de gestes ou d’actions artistiques. A partir de là, on peut déjà construire un premier problème : qu’est-ce qui fait alors qu’une action puisse être valorisée au rang d’action artistique ? Quelle est la différence entre un geste quotidien et un geste dans la performance ? Quels sont les opérateurs qui font basculer ce geste du côté de l’art ? Quelle intensité, quel décalage, quelle densité de présence, quel excès par rapport au quotidien (et aux usages habituels) ?
Mais notre question sera plutôt : La performance artistique pose-t-elle des gestes universels ?
Les artistes rassemblés pour cette quatrième édition appartiennent à des cultures symboliques différentes. Comment peut-on se comprendre malgré tout (et comment le spectateur peut-il se brancher sur des propositions artistiques émergeant de contextes dont il ne connaît parfois rien) ?
La performance est-elle l’occasion d’un langage plus sensible, plus direct, moins dépendant des conjonctures où il s’inscrit (parce que basé sur une expérience de présence effective) ? Autrement dit : le langage des actions est-il transposable d’une culture à l’autre ? A qui s’adresse la performance artistique ? Et peut-on échanger en l’absence de codes communs ? Les actions présentées dans les performances font à l’occasion appel à des symboles, précisément parce qu’elles sont généralement plastiques, et que les matières utilisées (surtout lorsqu’il s’agit des éléments fondamentaux : eau, terre, air et feu) sont souvent suggestives. Or même si des constantes ne sont pas inimaginables, l’idée d’une symbolique universelle qui rassemblerait tous les individus autour de thèmes communs – évidents pour tous – semble, sinon impossible, à tout le moins fragile. Si tous les hommes possèdent un corps, il reste assez évident que les postures et les usages en sont infinis : les signes de salutation, les gestes rituels, le rapport du corps à l’espace, aux distances, les habitudes liées à la nourriture, aux objets, toutes ces choses sont culturellement conditionnées.
La question de l’universalité des gestes de l’art (de l’art performance, en l’occurrence), est un problème philosophique énorme, un Everest de la réflexion sur l’art. Il ne s’agit pas pour nous de résoudre ce problème, loin de là. Simplement de proposer – de manière ludique – quelques développements, de tester des hypothèses – qui pourraient être des hypothèses de travail pour les performeurs et des hypothèses réflexives pour le spectateur. On voit bien ce qui pose problème : « universel » est évidemment un mot qui a quelque chose d’effrayant (=ce qui lisse les singularités, ce qui nie les différences en les rassemblant sous un ordre du Même, ce qui a trait à la vérité). En réalité, le mot nous met mal à l’aise – et nous oblige à détourner l’idée même d’universel, à en proposer des versions décalées.
Il ne s’agira pas ici d’essayer de défendre l’idée (à mon avis absurde) d’une symbolique universelle ou naturelle. Ce qu’on voudrait surtout se demander : comment du commun est possible ? Comment se fait-il que malgré les singularités évidentes des approches, malgré la pluri-culturalité des artistes rassemblés pour ACTUS, quelque chose soit partageable ?