Mîmâmsâ-sûtra; Shabara; Kumârila; singulier à valeur collective; coupe à soma; universaux; primauté de l'objet sur l'acte; vâkyabheda
Abstract :
[fr] Exemple d’un débat entre deux adeptes de la philosophie rituelle (mīmāṃsā), d’un genre quasi inconnu en occident. A propos de la phrase « il essuie la coupe (à soma) avec le filtre à dix franges » et d’un trio de règles liturgiques à ce sujet (Śabarabhāṣya III 1 13-14-15), deux adversaires font assaut de subtilité pour résoudre deux problèmes imbriqués l’un dans l’autre : où est le mot principal dans cet énoncé : la coupe ou l’essuyage (le filtre n’intervient plus) ? l’essuyage se limite-t-il à une seule coupe puisque le mot graha est au singulier ou vaut-il pour toute coupe (= toutes les coupes employées en cette occasion) ? D’une discussion longue et touffue, retenons que la coupe, qui appartient au « déjà là », est le but de l’acte « à venir » (l’essuyage) car elle est son objectif et a donc primauté sur lui. La seconde question est bien plus complexe. En bref, on pose que le singulier dénote ici la classe des coupes et non une seule d’entre elles. L’existence de la « coupéité » qui appartient aux coupes individuelles n’est pas sans rappeler la querelle des universaux en occident. Mais pour nos ritualistes la question est autre : si la phrase ordonnait qu’on essuie la coupe et aussi que cette coupe soit seule, elle donnerait deux injonctions, elle enverrait deux messages. Ce qui créerait une rupture de phrase (vākyabheda), faute grave selon la Mīmāṃsā. Au nom donc du principe sacro-saint que chaque phrase n’a qu’un seule message à délivrer, on déduit que le nombre de coupes à essuyer n’a pas à être tranché.