Contribution to collective works (Parts of books)
Le solidarisme (et les droits de l'homme) au prisme d'une critique marxiste libertaire
Frère, Bruno
2015In D'Hombres, Emmanuel (Ed.) Du solidarisme à l'économie solidaire
 

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Keywords :
solidarisme idéalisme Marx; droits de l'homme; matérialisme,
Abstract :
[fr] by focusing on the concept of world propsed by Boltanski and his pragmatic perspective which in previous work has enabled me to cast a critical eye on new social resistance movements. For Boltanski, what matters is the potential for emancipation to be found in the everyday practices of social actors, directly engaged in the world. He assigns to the sociologist the role of discerning what practices have emancipatory potential because they resist dominant discourses, alter institutional, legitimate accounts of reality which can perhaps lead to social change. There is however a temptation in Boltanski’s work to return to an idealist perspective which shoehorns the emancipatory potential of the everyday practices of social actors into a conceptual and thus intellectual framework: le registre métacritique (ou métapragmatique) auquel seul le sociologue peut avoir accès. Ce registre est unable to give us new perspectives on what might concretely constitute emancipation. In other words, the danger is that even Boltanski’s work will not achieve critical renewal. En lieu et place d’une subjectivité ideale et transcendentale, Boltanski suggère de favoriser un point de vue transcendant sur les pratiques sociales, seul capable de véritablement comprendre la réalité et la façon dont elle nous aliène. Mais ce point de vue est tout aussi idéaliste. Bourdieu ou les théoriciens de Francfort, dans la tradition de l’idéalisme transcendantal kantienne, recherchent le sujet pur qui se cachent sous la conscience pratique des personnes. Boltanski identifie pour sa part un point de vue métapragmatique susceptible de juger les évènements auxquels sont confrontées les personnes de façon plus lucide et plus exhaustive que ces dernières, confinées à un simple point de vue pragmatique imédiat et sans recul. Ce faisant, il se contente de placer le jugement “vrai” au dessus de la conscience des personnes (posture transcendante) plutôt qu’en dessous (posture trenscendantale). Mais dans les deux cas ce jugement vrai apparaît comme une perfection extérieur inaccessible aux personnes en question, ici et maintenant. Therefore I will propose a way out of this impasse by refusing to evaluate emancipation against the test of a (re)turn to an ideal state (whether transcendental or transcendent), but instead embedded in the lived material existence of social actors. Because we cannot be certain where these actions will lead, as sociologists we must accept uncertainty and contingency comme nous l’enseigne Bruno Latour, cet autre auteur français qui se réclame également aujourd’hui du pragmatisme. Mais parce que ce dernier rejette complétement la possibilité de developper encore aujourd’hui une pensée critique, il rend impossible toute reflexion en terme d’émancipation. Or scruter l’emancipation potentielle que recellent ces pratiques est nécessaire si l’on veut évaluer which, amongst them, have the potential to yield social transformation. In sum, in what follows
Disciplines :
Sociology & social sciences
Author, co-author :
Frère, Bruno ;  Université de Liège - ULiège > Institut des sciences humaines et sociales > Sociologie des identités contemporaines
Language :
French
Title :
Le solidarisme (et les droits de l'homme) au prisme d'une critique marxiste libertaire
Alternative titles :
[en] A marxist libertarian critique of solidarism (and human rights)
Publication date :
2015
Main work title :
Du solidarisme à l'économie solidaire
Main work alternative title :
[en] From solidarism to solidarity economy
Editor :
D'Hombres, Emmanuel
Publisher :
Chroniques sociales, Lyon, France
Pages :
-
Commentary :
comme je chercherai à le montrer dans un premier temps, plutôt que de travailler à mettre en forme les intérêts économiques des coopérateurs, qu’il salue par ailleurs, dans un projet politique spécifique commun, Bourgeois entreprend de faire l’éloge d’une vertu morale qui serait, pour ainsi dire, de l’ordre de leur ADN - la solidarité - laquelle viendrait contrebalancer l’égoïsme capitaliste inscrit tout aussi naturellement dans le patrimoine génétique de l’humanité. Bourgeois procède de la sorte à un geste relativement kantien qui consiste à faire de l'homme – solidaire – une sorte de Dieu. C'est ce que firent avant lui des jeunes hégéliens comme Feuerbach et ce que font encore aujourd’hui des auteurs comme L. Ferry (1996) ou G. Haarscher (1993), penseurs des Droits de l’homme. L’originalité de Bourgeois consiste en ceci : il réfute que l’égoïsme individualiste soit la seule loi naturelle qui caractérise le comportement humain et préside à sa destinée. L’humain est aussi selon lui foncièrement solidaire de ses semblables et redevable à leur égard. A ce titre d’ailleurs Bourgeois critique dans Solidarité la dimension individualiste et égoïste qu’ont pu prendre les Droits de l’homme jusqu’à son époque ([1896], 2008, p. 76). Cependant nous tenterons de montrer (point 2) qu’il n’évite pour autant pas le piège naturaliste et idéaliste que constitue leur fixation dans des textes universels puisqu’il se contente d’indiquer que l’homme des Droits de l’homme est tout aussi naturellement solidaire qu’égoïste. Ces Droits naturels doivent donc en l’occurrence non pas être réinterrogés mais plutôt extraits de leur carcan individualiste pour être « socialisés ». Le Droit naturel appelle à la réalisation de Droits humains individuels de la même manière qu’il appelle à réaliser pleinement l’idéal de cette autre qualité que l’homme possède à l’état de nature : la solidarité. La modernité rend possible cette réalisation car sont installées à présent les conditions de la démocratie libérale qui le permettent. Le solidarisme à l'instar de l'humanisme de Feuerbach, peut être perçu au bout du compte comme une exigence de respect d’obligations minimales (assumer notre dette sociale par rapport à la société qui nous a élevés, ne pas maltraiter les autres dans leur intégrité physique ou culturelle, ne pas attenter à leurs droits de propriété, à l’'égalité, etc.) qui assument autant de Droits de l’homme dont les autres comme moi jouissent. C’est ainsi au nom de caractéristiques intangibles de l’être humain telles que l’intégrité individuelle, la propriété ou la solidarité, dira Bourgeois comme les théoriciens contemporains des Droits de l’homme, que tous seraient tenus de respecter un ensemble de lois morales qui jouiraient d’une préséance à l’égard du droit positif et politique que se donnent a postériori ces mêmes humains (Bourgeois[1896], 2008, p. 87, Haarscher, 1993, p. 35). Plus que d’une politique, la pensée de Bourgeois relève donc d’une éthique idéalisée et définie négativement puisqu'il s'agit de considérer l'être humain comme une victime potentielle qui ne cherche pas un projet de société mais une défense de droits dont beaucoup de monde convient depuis un certain temps. Son ouvrage sur la Solidarité peut donc à ce titre apparaître parfois quelque peu consensuelle. Personne n'est contre les Droits de l'homme et les opposants à ce livre ne doivent pas être très nombreux, à droite comme à gauche. C’est pourquoi le Solidarisme, comme nous le verrons dans un troisième temps, en dépit de l’avancée indéniable qu’il autorise en faisant passer les Droits de l’homme comme droits de la monade isolée à celle des Droits de l’homme solidaire, nous semble tomber sous le joug de la critique matérialiste et politique que Marx adresse à ceux-ci (point 3). Se pencher par exemple sur les manuscrits de jeunesse du philosophe ou sur Le capital (et son effrayant chapitre consacré à l'illustration de la loi générale de l'accumulation capitaliste : [1867], 1963, pp. 885-954), permet de constater que son matérialisme consistait avant tout à plonger dans la vie réelle des hommes plutôt que dans la réflexion spéculative au sujet de droits inhérents à leurs caractéristiques naturelles. Le monde vécu depuis lequel parle Marx est celui de l'ouvrier et sa description matérielle nous fait frémir aujourd'hui encore autant qu'un roman de Zola. L'aliénation écrit-il produit « d'un côté le raffinement des besoins et des moyens de les satisfaire, de l'autre (du côté de l'ouvrier, ndlr) le retour à une sauvagerie bestiale, la simplicité totale, grossière et abstraite du besoin (...). Même le besoin de grand air cesse d'être un besoin pour l'ouvrier. L'homme retourne à sa caverne mais elle est maintenant empestée par le souffle pestilentiel et méphitique de la civilisation, si bien qu'il ne l'habite plus que d'une façon précaire, comme une puissance étrangère qui peut chaque jour se dérober à lui, dont il peut chaque jour être expulsé s'il ne paie pas » ([1844], 1997, p. 186). Des recherches récentes continuent à prétendre que le matérialisme de Marx est un économisme (Heine, 2010, p. 138, Keucheyan, 2010, p. 119 et 125). Nous avons montré pour notre part qu’il était en réalité une sociologie très exigeante (Frère, 2009a). Il veut consister, pour ainsi dire, en un plongeon direct dans les affres de la misère prolétaire de l'époque. Il tente de nous faire palper des doigts les étoffes trouées et sales des ouvriers, de nous faire goûter l'âpreté de leur quotidien à base de pommes de terre aigres, de nous faire sentir le froid glacé qui s'infiltrait dans les corons mal chauffés, de nous faire comprendre la violence et le désespoir de l'alcoolisme, l'horreur de l'esclavage des femmes et des enfants dans les mines. En cela, aurait dit Lefort, le matérialisme de Marx veut être, pure « exposition » (1986). Rien de plus, rien de moins, même dans les textes comme le Manifeste du Parti Communiste que l’on prend à tort pour de la pure idéologie ou de la propagande. Ce matérialisme-là dénonce au même titre que les conditions du salariat les conditions de vie des femmes, des enfants ou de la minorité qu'était à l'époque le lupen-prolétariat qui servait souvent de chaire à canon. Et les principes de cette dénonciation sont inscrits immédiatement dans les conditions matérielles des vies misérables, pas dans le ciel abstrait et immuable des Droits de l'homme ou du Solidarisme. Bien entendu ces principes ouvrent une porte vers eux, mais ceux-ci sont alors à entendre comme des universaux concrets, émergeant d’évènements particuliers, comme nous le verrons dans la 4e partie de notre texte en évoquant la Commune de Paris (1871). Ils donnent une prise sur les réalités vécues des ouvriers, des réalités qui sont grosses par ailleurs de rapports sociaux associatifs, mutuellistes et coopérativistes qui offrent des micro-exemples d'organisations politiques alternatives et plutôt libertaires. Ces micro-exemples s'élaborent ici et maintenant - dans la contingence et l'enchevêtrement de vies auxquels on ne donne pas immédiatement et facilement sens - plutôt que dans le ciel des idées, comme c’est le cas des théories des socialismes utopiques ou doctrinaires de Cabet, Fourrier et quelques autres (partie 5). L'homme et ses caractéristiques naturelles lui ouvrant autant de droits deviennent, dans la logique purement humaniste, de nouvelles transcendances, des spectres, des fantômes. Ils remplissent le rôle du sujet de la « loi morale » que Kant, puis Feuerbach et enfin Bourgeois héritent en fait du christianisme, verrons-nous au point 6. Le solidarisme comporte, par devers lui, une dimension idéaliste. Il s'y « manifeste un désir de juger ce qui existe à partir d'une référence 'au-delà' » qui reste abstraite (la solidarité pour Bourgeois, les droits de l’homme pour d’autres). Pour Marx la société actuelle se juge et se critique à partir de ce qu’elle contient, à partir de la société existante, dans la contingence. Ce matérialisme marxiste que je tâcherai de faire jouer au-delà des idéalismes ici évoqués est aussi proche de Deleuze, Foucault ou Derrida qui me permettra de conclure. Il s'agit d'un matérialisme qui « s'efforce de faire persévérer ce qui existe, de l'amener à un maximum de vie et de puissance en le libérant des tribunaux imaginaires », fussent-ils ceux des Droits de l'homme ou de la solidarité (Delruelle, 1999, p. 84). « Ce qui existe » c'est par exemple, les tentatives associatives et coopératives politiques de la Commune de Paris.
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