Humanisme de conviction ou humanisme instrumental ? Une comparaison des directeurs de prison belges et français

Bien que peu étudiés, les directeurs de prison se situent au centre de l’institution pénitentiaire et font office de véritables interfaces entre les politiques étatiques et les pratiques locales. L’étude empiriquement ancrée des pratiques de ce groupe professionnel révèle divers modes de prise en compte de la question humaniste par les acteurs d’un « système pénitentiaire » souvent considéré comme dominé par « l’impératif sécuritaire ». Quant à l’analyse de leurs discours, elle permet de rendre compte du positionnement particulier de nombreux directeurs de prison vis-à-vis de leur administration (collectivement, via les syndicats et associations de directeurs, ou individuellement, via les médias et autres publications) et vis-à-vis de l’institution judiciaire (juges d’instruction, tribunaux de l’application des peines, Conseil d’Etat).
Notre contribution repose sur deux enquêtes réalisées au cours des trois dernières années auprès de directeurs belges (n = 32) et français (n = 20). Les degrés de hiérarchisation et de judiciarisation des contextes de travail des directeurs varient au sein des ces deux pays et déterminent, en partie, les modalités d’interaction quotidienne des directeurs en détention (avec les détenus, les services psychosociaux, les surveillants, etc.) et autour de la détention (avec l’administration centrale, le TAP, la justice, les associations diverses, etc.).
Il s’agira de saisir et de rendre visible la dimension humaniste du travail des directeurs, tant au niveau de leurs pratiques (cultures professionnelle et organisationnelle) que de leurs discours professionnels (logiques de justification). En effet, ce qu’ils qualifient, par exemple, d’ « empathie », d’ « intensité des relations », de « recherche du sens de leur travail » et de « sens de la peine », semblent orienter leur travail dans des marges qu’il conviendra de préciser.