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Scientific conference in universities or research centers (Scientific conferences in universities or research centers)
Mises en scène de soi dans les médias sociaux - autour des "selfies"
Hagelstein, Maud
2014
 

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Keywords :
selfie; photographie commune; portrait; autoportrait; photographie autoproduite
Abstract :
[fr] (Extrait de l'introduction) On s’intéressera ici au selfie – que je définirai une première fois (en accord avec ce qui est désormais un lieu commun) comme « autoportrait photographique visant la promotion de soi – éventuellement narcissique – sur les médias sociaux ». Définition relativement fragile puisqu’il n’est pas évident en réalité que le selfie puisse se voir attribuer le statut d’autoportrait (j’interrogerai en tout cas la continuité présumée qui rattacherait le selfie à la tradition de l’autoportrait artistique pictural/photographique). Cette proposition s’inscrit dans le cadre d’une recherche plus large sur la photographie commune. Je dis commune pour éviter d’autres termes trop manifestement connotés/biaisés mais l’objet visé relève de ce que certains ont pu appeler photographie amateur ou populaire, photographie familiale ou privée, voire même photographie domestique (Bourdieu). Commune devrait ici s’entendre non seulement au sens de « ce qui ne fait pas exception » (en tout cas pas de manière évidente) mais aussi comme « ce dont nous partageons tous l’usage » - c’est-à-dire ce à quoi nous avons aujourd’hui accès (sans trop de difficulté et de manière presque naturelle) en termes de pratiques visuelles. Deux problèmes m’intéressent en particulier (et que le cas spécifique du selfie permet d’éprouver à nouveaux frais) : (1) Le premier problème est celui de la démocratisation des dispositifs de la visualité (déjà relevée par les historiens de l’art, par les premiers théoriciens de l’ère de la reproductibilité technique puis reprise aujourd’hui par les spécialistes des nouveaux médias) et la démocratisation conséquente de l’accès à la visibilité (pour reprendre les termes choisis par T.L. pour cette journée – en référence aux travaux de N. Heinich). Problème que j’ai abordé jusqu’ici principalement à partir des écrits du philosophe J. Rancière pour qui esthétique/politique se nouent à cet endroit précis d’un nouveau « partage du sensible » c’est-à-dire d’une redistribution de l’accès à la parole et à la visibilité – réalisée par le biais des formes d’expression artistique. Dans son ouvrage Le partage du sensible. Esthétique et politique (2000), Rancière propose une réévaluation des facteurs favorisant une telle redistribution (je pense notamment au texte intitulé « Des arts mécaniques et de la promotion esthétique et scientifique des anonymes »). Son propos consiste à renverser l’argument habituellement utilisé par la tradition de la Théorie critique (à savoir : le développement des arts mécaniques – photographie et cinéma – aurait amené la possibilité d’une visibilité nouvelle pour les individus anonymes). Rancière considère pour sa part que la révolution technique vient après la révolution esthétique – plutôt qu’elle ne l’explique. Cette révolution esthétique – et l’émergence d’un nouveau régime de visibilité – se joue principalement dans la littérature du XIXème siècle : des écrivains comme Balzac, Hugo ou Flaubert ont permis que des sujets « quelconques », « vulgaires », « prosaïques » soient progressivement considérés comme des sujets artistiques (et dignes de valeur). Rem. On pourrait aussi trouver des anticipations dans la peinture de genre, nature morte, peinture d’intérieurs, vanités, etc. (mais ce n’est pas l’option retenue par Rancière). Par la suite, si l’on a pu considérer (non sans mal, d’ailleurs) que la photographie pouvait prétendre intégrer la sphère des activités proprement artistiques, c’est en tant qu’elle s’inscrivait dans le sillage de ces efforts littéraires réclamant « l’assomption [ou la gloire] du quelconque » (50). Quoiqu’il en soit de la priorité du technique ou de l’esthétique pour cet accès plus large à la visibilité qui déterminerait notre culture contemporaine, il semble nécessaire de continuer à interroger de manière critique la généralisation apparente du droit à l’image et la démocratisation des dispositifs visuels. Pour le dire plus franchement : je pense qu’on aurait tort de considérer comme définitivement acquise cette démocratisation sans montrer – de manière dialectique – les dispositifs par lesquels elle peut parfois se renverser en renforcement des hiérarchies entre ceux qui méritent d’être vus et ceux qui resteront toujours anonymes. On peut penser par exemple aux références de plus en plus nombreuses faites par les photographes contemporains en vogue à la photographie commune (ex. les intérieurs domestiques de Jeff Wall – qui sont très travaillés et ne s’apparentent évidemment pas aux clichés que n’importe quel quidam pourrait réaliser à partir de son espace quotidien, même s’ils s’inscrivent apparemment dans ce registre). S’agissant du selfie, un cas particulier réclame de l’intérêt : celui des selfies réalisés (parfois avec une grande profusion) par des stars – c’est-à-dire des gens dont le capital de visibilité (Heinich) est déjà très important et qui détournent les effets d’une pratique commune (« populaire ») pour augmenter encore la « valeur élective » qui touche leur image (mais qui ne touche pas automatiquement et avec la même facilité le selfie produit par Monsieur-tout-le-monde). (2) Le deuxième problème lié à l’étude de la photographie commune concerne plus directement les qualités esthétiques susceptibles d’être affectées ou refusées à ses productions. Par qualités esthétiques, j’entends non pas/seulement la beauté éventuelle de ces images mais de manière très générale tous les éléments qui contribuent à leur potentielle valorisation artistique : effort de construction et de mise en scène, cadrage inédit, mise en évidence de détails, et tous les dispositifs organisant le réel en vue de produire des effets précis. En mobilisant un tel objet (la photographie commune), il s’agit encore une fois – obsession bien contemporaine – d’interroger la frontière entre art et non-art. D’où l’importance de la définition du selfie et de son rattachement possible (mais problématique) à l’histoire du portrait artistique. En attribuant au selfie une fonction autre que celle de la représentation de l’individu (cf. le débat initié par A. Gunthert sur la plate-forme Cultures visuelles : le selfie doit être avant tout considéré comme un acte conversationnel), ne cherche-t-on pas au fond à lui refuser tout intérêt (toute dignité) artistique ? Ces images doivent-elles être réduites à des actes de promotion ou de valorisation sur la scène sociale ? Ne peut-on y déceler de l’inventivité formelle etc. (et surtout : de l’inventivité formelle « organisée » - c’est-à-dire précisément codifiée – plutôt que « désordonnée ») ?
Research center :
ULB - Image et culture (dir. T. Lenain)
Disciplines :
Art & art history
Philosophy & ethics
Author, co-author :
Hagelstein, Maud ;  Université de Liège - ULiège > Département de philosophie > Esthétiques phénoménologiques et esth. de la différence
Language :
French
Title :
Mises en scène de soi dans les médias sociaux - autour des "selfies"
Publication date :
02 May 2014
Event name :
Visualité et visibilité - autour des travaux de V. Stoichita
Event organizer :
Thierry Lenain - ULB / Chaire Franqui V. SToichita
Event date :
02/05/2014
Audience :
International
Available on ORBi :
since 05 May 2014

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