Abstract :
[fr] La différentiation des populations est l’un des principaux thèmes de la biologie de l’évolution. Mise à part l’étude des variations des patrons de coloration, très peu d’études concernent les divergences morphologiques entre les populations de poissons des récifs coralliens.
Dans ce travail, nous avons étudié la différentiation morphologique et génétique entre plusieurs populations de l’espèce de demoiselle, Pomacentrus coelestis Jordan & Starks, 1901, dans le Nord-Ouest de l’océan Pacifique. Cette espèce, inféodée aux récifs coralliens, se nourrit principalement de zooplancton. Elle est particulièrement abondante dans cette région du monde. Les formes des mâchoires buccales (c’est-à-dire la mandibule et le prémaxillaire) ont été étudiées au moyen des méthodes de morphométrie géométrique et la structure génétique des populations a été caractérisée au moyen de cinq microsattelites (POM3, POM2, AC1578, Pom2269 et Pom2416).
Différents tests statistiques ont révélé une variation significative de forme entre les populations de P. coelestis pour chacune des deux pièces squelettiques. Les variations de forme de la mandibule et du prémaxillaire apparaissent non-corrélées. Les variations morphologiques de la mandibule accompagne une rupture génétique entre des populations de l’île principale du Japon et les îles d’Okinawa et Taiwan. Cependant, les tests de Mantel et Procrustes n’ont révélé aucune congruence entre les structures génétiques et morphologiques. Des variables géographiques telles que la latitude, la longitude et les distances kilométriques expliquent peu ou pas les variances morphologiques observées.
Dans notre discussion, nous illustrons que la plasticité phénotypique serait un mécanisme évolutif potentiel sous-jacent à la différence de formes entre les populations de P. coelestis. Cependant l’hypothèse d’une divergence adaptative ne pourrait cependant pas être exclue vu que nous avons uniquement étudié des marqueurs génétiques neutres (microsattelites). Une approche écomorphologique suggère que des régimes alimentaires différents pourraient être liés aux variations de forme des mâchoires buccales. A titre d’exemple, les individus des populations de l’île principale du Japon ont des mandibules plus massives suggérant des activités de broutage et/ou de morsure plus fréquentes. Inversément, les individus de Taiwan et d’Okinawa arborent un processus ascendant du prémaxillaire proportionellement plus long que les poissons des autres populations. Cette caractéristique, directement liée à l’efficacité de protrusion des mâchoires supérieures, confirmerait un degré de zooplanctonophagie plus élevé chez ces deux populations.