Abstract :
[fr] Le 30 janvier 1594, l’archiduc Ernest, fils de Maximilien II, faisait sa joyeuse entrée à Bruxelles. Il venait en effet d’être nommé gouverneur général des Pays-Bas par son puissant parent, Philippe II. Son séjour aux Pays-Bas allait être de courte durée. Une maladie qui le minait dès avant son départ l’emporta dans la nuit du 20 au 21 février 1595. Personnalité politique de médiocre envergure, malhabile et velléitaire, Ernest apparut comme un fantoche entre les mains du monarque espagnol, ce qui lui valut d’être vilipendé avant de sombrer dans l’oubli.
La collection de peintures qu’il constitua durant les derniers mois de sa vie passés aux Pays-Bas mérite pourtant qu’on s’y attarde. Certes de faible ampleur par rapport à celle de son frère, l’empereur Rodolphe II, elle se signalait par son excellent niveau qualitatif, réunissant des œuvres de Hubert Van Eyck, Rogier van der Weyden, Bosch, Floris, Mostaert, Grimmer et Lucas van Valckenborch. Mais sans conteste, c’est une suite des Mois de Bruegel qui en était le plus prestigieux joyau. Elle avait été offerte à l’archiduc par la Ville d’Anvers, lorsque celui-ci fit sa joyeuse entrée dans la cité scaldienne, le 5 juillet 1594.
Il y a lieu de réévaluer la place que l’archiduc Ernest occupa dans le contexte du collectionnisme de la fin du XVIe siècle ; elle a été injustement occultée par un intérêt trop exclusivement centré sur Rodolphe II. Il convient notamment de déterminer les circonstances dans lesquelles Ernest de Habsbourg procéda à ses acquisitions, et de voir comment ses choix s’inscrivent dans l’histoire du goût, reflétant un jugement très sûr, ainsi qu'un vif intérêt pour les diverses tendances qu’illustrèrent les peintres des Pays-Bas dans la seconde moitié du XVIe siècle.
Enfin, il importe de préciser quel fut le destin de ses collections. L’historique de la fameuse suite de Bruegel, en particulier, appelle maintes remarques. Il est très loin d’être aussi clair et solide qu’on s’est plu à l’affirmer jusqu’ici.