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Abstract :
[fr] La bande dessinée est-elle un médium moderne ou postmoderne ? Les dessinateurs les plus créatifs, chevilles ouvrières des maisons d’édition indépendantes, défendent la modernité du médium. On pense notamment à la position de Jean-Christophe Menu sur le sujet. Dans le « manifeste » de l’Association (les 3 numéros de la revue « théorique » L’éprouvette), plusieurs auteurs défendent l’actualité de la notion d’Avant-Garde. Leur thèse se résume comme suit : si la peinture ou la littérature ont vu l’époque des Avant-Guardes laisser place à la postmodernité, la bande dessinée, au moins, n’a pas encore été touchée par la désillusion qui lui est propre. Immaturité revendiquée des dessinateurs qui croient encore pouvoir révolutionner totalement les codes de leur médium et proposer une version neuve de la bande dessinée, en rupture avec ses origines. Cette notion de « rupture » (ou de « crise » d’ailleurs) est tout-à-fait centrale et caractéristique de la modernité – la postmodernité, de par son système de citations (même impertinentes et détournées), ne fait que renouer avec un passé stérile qu’elle recycle infiniment (parce qu’elle est dénuée de tout enjeu révolutionnaire, de toute lutte interne). Mais par ailleurs, la bande dessinée est traversée par des éléments de la postmodernité. Du point de vue de son contenu, elle marque de plus en plus un désaccord radical avec la modernité consumériste, le culte de la marchandise et des effets de « mode », la vie citadine et l’homogénéisation des masses. Elle est l'un des lieux d’expression privilégiés de la désillusion du peuple relativement aux grandes utopies de transformation rationnelle du monde et d’émancipation de l’homme (expression privilégiée des minorités de genre ou de race – ce qui est souvent mis en exergue dans les cultural studies). Par ailleurs, à suivre Jean-François Lyotard, la postmodernité ne se caractérise pas uniquement par sa violente performativité (le culte de l’Utilité remplaçant dans les savoirs scientifiques celui de la Vérité), mais elle montre aussi une prise en compte croissante des instabilités et développe une « paralogie » que nourrirait probablement une certaine bande dessinée (et plus généralement une certaine para-littérature).