Paper published in a book (Scientific congresses and symposiums)L'énergie de la participation est-elle renouvelable ? La production de scénarios énergétiques et ses malentendus
Claisse, Frédéric; Italiano, Patrick
2012 • In Claisse, Frédéric; Laviolette, Catherine; Reuchamps, Min et al. (Eds.) La participation en action
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Abstract :
[fr] Financé dans le cadre du programme de recherche fédéral sur le développement durable, le projet SEPIA avait pour but « d’examiner la faisabilité d’une analyse de durabilité intégrée (integrated sustainability assessment, ISA) du système énergétique belge et d’en débattre avec les représentants de groupes sociaux. » SEPIA illustre le « tournant réflexif » pris ces dernières années par l’approche des nouveaux risques technologiques et environnementaux, lesquels mettraient à l’épreuve les découpages scientifiques traditionnels et imposeraient un mode de gestion publique intégrée, prenant en compte différentes disciplines et cadres cognitifs, dans un contexte d’incertitudes multiples, scientifiques et politiques. Dans cette perspective, le défi de la transition énergétique impliquerait de réinventer des processus délibératifs qui fassent davantage appel à la participation et au dialogue entre société civile, société politique et experts scientifiques.
Projet à l’architecture complexe et multidimensionnelle, SEPIA associait une approche experte et une dimension participative, avec une cascade de processus de traitement de données. Dans ses aspects participatifs, SEPIA devait aboutir à la construction de scénarios énergétiques, élaborés par un premier panel d’experts et d’acteurs dans le domaine de l’énergie. La méthode prospective adoptée était celle du backcasting : un futur souhaitable est préalablement posé, obligeant à s’interroger sur les mesures et les étapes nécessaires pour y parvenir et relier ce futur au présent. L’exercice consistait, pour les participants à ce panel, à imaginer des scénarios contrastés permettant à la Belgique de se conformer, à l’horizon 2050, à un ensemble contraignant de huit objectifs de développement durable, dont celui de réduire de 80 % les émissions de gaz à effets de serre. Ces scénarios devaient ensuite être modélisés grâce à un logiciel de simulation énergétique selon les seuils et paramètres identifiés par les experts. Un second panel, composé d’acteurs concernés, était alors chargé d’évaluer les scénarios selon une approche normative multi-critères. Enfin, le résultat de cette évaluation devait être encore retraité par un autre logiciel pour le soutien à la décision en groupe, selon une méthodologie basée sur la logique floue.
Un tel souci, indissociablement méthodologique et normatif, d’interroger aussi bien des experts que des groupes sociaux concernés par la problématique, ne va pas sans malentendus quant à la nature même de la participation. Ce sont ces malentendus que notre communication se propose d’interroger. La participation avait-elle un objectif précis en termes de résultats ou était-elle une finalité en soi ? L’évaluation des scénarios devait-elle être centrée sur la désirabilité ou sur la probabilité ? Quelles compétences déterminées devait-on mobiliser autour de la table, sachant que la liste de variables à prendre en compte est potentiellement infinie ? Comment les participants, experts ou stakeholders, s’accommodent-ils d’un design de recherche aussi complexe ? La participation au processus est-elle en soi une gratification ou d’autres incitants sont-ils nécessaires pour mobiliser des expertises de haut niveau ? Ces malentendus ne sont pas propres à SEPIA : ils sont au cœur de tout dispositif de recherche dès lors qu’il s’agit d’associer une réflexion méthodologique à un impératif de participation.